lundi 28 février 2011

François Legault : le discours de la démission


Cette semaine, lors du lancement de son mouvement baptisé Coalition pour l’Avenir du Québec (CAQ), François Legault a révélé qu’il avait abandonné le combat pour l’indépendance du Québec. Il est devenu fédéraliste. Il a choisi le camp du statu quo constitutionnel et, ce faisant, il a opté pour le discours de la démission.

En matière constitutionnelle, le centre n’existe pas

M. Legault s’en défend ; il se prétend nationaliste et ne se ferait certainement pas prendre à se déclarer ouvertement fédéraliste. Pourtant, c’est bel et bien l’orientation politique qui est maintenant la sienne. Parce que, malgré toutes les bonnes volontés et les tentatives qui ont été effectuées en ce sens, la fameuse « troisième voie » entre le fédéralisme et la souveraineté n’existe pas. Contrairement aux enjeux socio-économiques, il n’existe pas de position centriste sur la question nationale.

Pour être plus précis, disons que cette hypothétique position centriste n’existe plus. Elle a déjà existée. Lorsqu’il y avait une possibilité réelle et concrète que la constitution canadienne soit profondément modifiée pour satisfaire aux exigences québécoises, on pouvait effectivement parler d’une « troisième voie » entre le fédéralisme centralisateur et l’indépendance pure et simple. Depuis Meech, depuis Charlottetown, cette possibilité est morte et enterrée. C’est d’ailleurs la raison qui explique pourquoi les libéraux nationalistes sont maintenant une espèce qui a disparu de l’écosystème politique québécois.

François Legault le sait. Il admet d’ailleurs candidement que le renouvellement du fédéralisme est aussi hypothétique et lointain à ses yeux que ne l’est l’accession du Québec au statu de pays souverain. Il a donc consciemment choisi de renoncer au combat pour promouvoir l’intérêt national du Québec, que ce combat soit mené à l’intérieur du Canada ou dans le cadre d’un État indépendant.

Par conséquent, l’option politique qu’il défend, c’est bien celle du statu quo constitutionnel. Au même titre que l’ADQ ou le PLQ, M. Legault se contente maintenant de la moitié d’État qu’est le Québec au sein de la très centralisée fédération qu’est le Canada. Dans les faits, il n’y aucune différence entre le fédéralisme renouvelé du PLQ, l’autonomisme de l’ADQ ou le nationalisme du CAQ.

Pourtant, M. Legault prétend, avec une habileté certaine, que son mouvement représente un pont entre les souverainistes et les fédéralistes. Il n’en est rien. Le CAQ est un mouvement politique fédéraliste est son principal leader est un homme qui a renié ses convictions souverainistes. Il ne s’agit pas d’un discours d’union, mais bien de démission.

Qui est contre l’efficacité et le pragmatisme ?

Mais là n’est pas l’unique prétention du CAQ. MM. Legault et Sirois estiment, sondages à l’appui, fournir une offre politique qui répond à une demande populaire. Pourtant, en-dehors du caractère « nouveau » de leur mouvement, il n’y a pas de différence fondamentale entre ce qu’ils prônent et le programme du PLQ ou de l’ADQ. Ces trois regroupements politiques ont tous en commun l’acceptation implicite du statu quo constitutionnel et une volonté d’être pragmatiques et efficaces en faisant de l’argument économique l’unique étalon à l’aune duquel il faudrait juger de cette proverbiale efficacité pragmatique.

Bien sûr, personne n’est contre la vertu. L’efficacité et le pragmatisme sont en tout temps souhaitables. Mais de là à les ériger au stade de programme politique… Gouverner un État ne se limitera jamais à la comparaison de colonnes de chiffres.

Et puis, comme le dit le dicton, on peut très bien marcher et mâcher de la gomme en même temps. On peut faire la promotion de l’indépendance du Québec tout en redressant les finances publiques. On peut dénoncer le caractère centralisateur de la fédération canadienne tout en s’attaquant aux nombreux problèmes qui grèvent le système de santé. Le discours de la démission, c’est aussi le discours de ceux qui prétendent que les Québécois ne sont pas capables de mener des luttes sur plusieurs fronts en même temps.

Changement ou statu quo ?

À quels grands changements nous convie donc François Legault et son mouvement ? Sur l’axe gauche-droite, il vise le centre, la posture que veulent adopter tous les leaders qui aspirent à prendre le pouvoir. Rien de nouveau sous le soleil. Sur l’axe souverainiste-fédéraliste, il opte pour le fédéralisme, une tendance déjà bien représentée à l’Assemblée Nationale, tant par le parti gouvernemental (PLQ) que par la deuxième opposition officielle (ADQ). Là encore, rien de neuf.

En fait, l’analyse des idées présentées par François Legault et la CAQ démontre que ce mouvement est le véhicule de ceux qui privilégient le statu quo, tant sur le plan socio-économique que sur la question nationale. Sous des allures de discours nouveau et rassembleur, M. Legault nous a en réalité présenté une feuille de route pour ne rien changer.

Il a opté pour le discours de la démission.